Jeudi dernier, c’était l’anniversaire de Martine. Petits fours Picard
et Clairette de Die à tous les étages.
En voyant sa tête le lendemain matin, vous vous êtes assise sur son
bureau, et lui avez demandé d’une voix confidente « alors Martine, la nuit
a été courte ? Repas arrosé ou repas collé-serré ? »
Avant même qu’elle ait eu le temps de lever les yeux pour vous donner
la réponse, un torrent de larmes a atterri sur son clavier. Pas fière de vous,
vous l’avez rapidement prise sous le bras pour la trainer jusqu’à la machine à
café, avant qu’elle ne fasse court-circuiter tout l’open-space.
Le souffle retrouvé et une tasse de café à la main, elle vous explique
entre deux reniflades qu’en rentrant chez elle hier, elle a trouvé son mari
assis sur le canapé, la cravate défaite, et la bière à la main.
« J’ai un cadeau pour toi chérie ! » lui a-t-il dit,
tout fier qu’il était de ne pas avoir oublié, en lui désignant d’un coup de
coude une enveloppe posée sur la table basse, à coté de ses pieds.
Enveloppe qu’elle vous tendit à ce moment du récit pour que vous
puissiez constater par vous-même que son flux de larmes n’était pas exagéré.
Martine, qui a appelé ses filles Olympe (pour Olympe de Gouges) et
Virginia (pour Woolf, seulement parce que c’était plus joli que Simone – De Beauvoir), s’était vu offrir par l’homme qui partage sa vie depuis 22 ans, un « bon
pour un lave-vaisselle ».
Partagée entre l’indignation et la grosse marrade, vous levez les yeux sur
Martine pour savoir quelle réaction adopter.
Aucun mot ne vous vient à la bouche, mais c’est pas grave, Martine
continue son récit, en disant qu’elle est aussitôt sortie en claquant la porte pour
se payer une chambre « grand luxe » à l’hôtel de la cloche d’or. Elle
en a même profité pour se faire faire un massage, suivit d’un gros burger-frittes
en room service, dégusté en peignoir devant une redif de Kill Bill.
Bien joué
Martine, tape m’en cinq.
De retour à votre bureau, vous
passez quand même un petit coup de fil à Alain pour clarifier la situation. Vous
l’aimez bien Alain, il fait des blagues un peu lourdes parfois, mais c’est
toujours le premier à dire oui à un déménagement, et il pense toujours à vous
pour ses soirées barbecue, alors vous préférez lui laisser le bénéfice du doute
avant de le cataloguer comme crevure internationale.
Et comme vous avez bien fait. Il vous explique tout penaud au
téléphone que tout ça n’est qu’un malentendu, une mauvaise blague qui a mal
tourné.
Bien sûr qu'il n'aurait JAMAIS osé offrir un tel cadeau à sa femme. Quand même! Elle qui a créé la ligue féministe de l'université, et qui lui laisse régulièrement des marque-pages dans son Causette pour qu'il ne rate pas les articles intéressants.
En fait, au verso de la carte, il y avait le VRAI cadeau de Martine.
Un bon pour faire venir une décoratrice à la maison. Mais elle était tellement rouge-colère qu'elle n'a même pas pris la peine de la retourner.
Vous retrouvez Martine là où vous l’avez laissée, dans une main son café
refroidi, dans l’autre la carte tachée de larmes. Vous la lui prenez doucement des
mains et lui en montrez le dos.
Larmes de joie. Foi en l’humanité retrouvée. Mariage sauvé.
Et après 2 heures de rendez-vous et deux-trois coups de crayons, voilà
ce que Martine fera de son salon…
Si vous aussi vous avez un cadeau à faire prochainement, c’est par là que ça se passe !
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