lundi 12 janvier 2015

Non, un architecte, ça ne dessine pas bien

Pas même Oscar Niemeyer, le plus grand des plus grands.


Il y a deux phrases qui viennent à mes interlocuteurs quand je leur parle de mon métier : « c’est quand que tu me fais ma maison ? », et « tu dois vachement bien dessiner, hein ? Tu me feras un tableau un jour ? ».

J’ai fait l’effort de répondre poliment à la première question pendant quelques années.

Et aujourd’hui, je vais m’attaquer pour vous à la deuxième, parce que le dessin, c’est un peu d’actualité.

Si vous pensez qu’un architecte passe son temps le crayon à la main, c’est un peu vrai. Si vous pensez qu’il pourra artistiquement vous tirer le portrait entre deux verres de rouge à l’apéro, vous vous fourrez le doigt dans l’œil jusqu’à l’aisselle.
Je vous scannerais bien le cheval que j’ai dessiné pour ma petite voisine avant-hier pour vous le prouver, mais j’ai vraiment trop honte.

Pour un architecte, le dessin, ça sert à communiquer. Ici, la fenêtre, ici, le lavabo, ici la conduite d’évac.
Oui, je sais, on est loin de l’image glamour de l’artiste maudit. Mais si on avait voulu être glamour, on aurait fait Catherine Deneuve, pas architecte.

Notre truc à nous, c’est d’expliquer en trois traits ce qu’on n’arrive pas à faire comprendre avec des mots (parce que des fois, les mots, c’est compliqué).
Des fois aussi, on met de la couleur, et c’est pas grave si on dépasse un peu. L’important, c’est de faire passer des sensations, des idées, des principes, des vérités.
Le crayon d'un architecte, c'est un peu comme le marteau de Thor, ou la ceinture de Batman. 
Et puis il faut dire que le dessin a un coté précieux, parce qu’il a quelque chose d’intime. A chaque trait dessiné, on se relie un peu plus à notre interlocuteur.

Alors il est vrai que ces jours-ci, je me sens un peu ridicule le crayon à la main, à voir défiler les unes de Charlie Hebdo dans les médias. Je pense que je ressens à peu de choses près la même chose que Cloclo le jour où il a entendu pour la première fois « le déserteur » à la radio après avoir chanté « le lundi au soleil » sous sa douche.

Et puis mon coté optimiste reprends le dessus, et je me dis que franchement, au Pictionary, on déchire.



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